Nati ou ce que tu veux vraiment

« Tu sais Nat, des fois je me dis que je devrais faire comme les autres, parcourir le monde avec mon sac à dos, faire la fête et fumer des joints sur une page en Thaïlande. Mais en fait j’en ai rien à faire de tout ça. C’est pas mon truc. Rien que l’idée me fatigue et franchement ça me motive moyen. Tu vois ce que j’veux dire ? »

Dresden, juin 2013

Je me baladais au bord de l’Elbe avec un ami qui faisait un stage d’architecture dans cette chouette ville de l’Allemagne de l’Est. J’étais en plein dans un grand périple vers l’Asie (me rendre en Corée du Sud en partant de Genève sans prendre l’avion oh yeee !) et il avait accepté de m’accueillir un weekend le temps que je fasse ma première lessive et que je réévalue les 25 kilos d’affaires superflues que je transportais sur mon dos. Selon lui un fer à lisser n’étais pas nécessaire quand on s’apprêtait à prendre le transsibérien, mes 3 paires de ballerines et 8 robes encore moins (I dont know dude, les Russes sont classes, j’voulais me fondre dans la masse !).  
On se connaît depuis qu’on est gosses lui et moi : il a toujours préféré la stabilité, le travail de qualité, alors que j’étais attirée pas le chaos et le progrès désordonné. Mais on s’entendait bien, et puis marcher dans une ville loin de notre lieu de naissance invitait aux confidences.

« Je vois tous ces potes qui partent en années sabbatiques au quatre coins de la terre pour se perdre sur des chemins inconnus histoire de mieux se trouver. Alors des fois je me dis : merde, s’ils le font c’est que ça en vaut la peine ! Pourtant ça ne me tente jamais vraiment, et au fond je c’est que c’est pas pour moi. J’aime ma vie comme elle est,  je sais que les choix que je fais me correspondent et j’ai beau admirer un voyage comme le tien, jamais ça ne me satisferait autant qu’une journée où j’ai pu bosser sur un projet passionnant et retrouver ma copine pour un bon dîner en rentrant. »

Dresden: marché au bord de l'Elbe, juin 2013


C’est la nouvelle année et faut repenser sa vie il paraît alors je me suis dit qu’il était temps que j’écrive sur ce qui se cache derrière les choix, parce que toi et moi on sait que c’est pas si facile que ça. Je me souviendrai toujours de cette scène au bord de l’Elbe : c’est un de ces moments dans une vie où tu sais que t’as appris un truc super profond même si t’es pas encore certain(e)  de comprendre pourquoi.

Ces derniers mois je questionne beaucoup mes choix. Je ne sais pas si c’est parce que je viens d’avoir 27 ans et que je partage une chambre minuscule avec deux roomates plus jeunes que moi dans une auberge londoniennes (il semblerait qu’à mon âge c’est quand même un choix questionnable !), ou bien toutes ces discussions que j’ai avec ces inconnus au milieu de la nuit quand ils n’arrivent pas à dormir et qu’ils viennent confier leurs doutes les plus intimes à la réceptionniste (bibi pour vous servir :D). Ce travail c’est plus que de d’introduire des noms dans un système j’vous dis, ils avaient pas précisé le côté thérapie quand j’ai signé.

 

Père Noël en vadrouille, Madrid

Y’a quelques mois je me suis levée un matin en me disant « Nat c’est pas possible qu’est-ce que tu fais de ta vie reviens sur terre trouve un VRAI job et arrête de croire que t’as encore 18 ans personne est dupe, même pas toi ! Oui, oui tu fais d’autres ptits projets c’est sympa et tout, et oui t’apprends plein de trucs chouettes, tu rencontres des êtres humains passionnants mais ça le monde s’en bat les cacahuètes sur un CV. C’EST FINI TOUT CA ».
 

Ni une ni deux, je prends mon macbook, m’assieds dans un coffee shop avec un air sombre mais décidé et je commence à répondre à de vraies offres d’emploi pour trouver un vrai travail. Le genre de job où t’as des horaires de semaines, où tu partages un bureau avec d’autres personnes qui prennent leur vie au sérieux s’il-vous-plait-monsieur, et qui ont laissé leurs rêves il y a bien longtemps au fond d’un petit tiroir.
Non je ne me permets pas de critiquer ceux qui bossent dans un bureau of course y’en a plein qui aiment ce qu’ils font et tant mieux !  En plus c’est vague, y’a tout plein de trucs sympas qui se passent derrières ces bureaux j’en suis certaine mais let’s be honnest here c’est pas la majorité.
Je parle de tous les autres, ceux qui sont là parce que c’était le choix le plus convenable, parce que c’était celui qui faisait le moins peur à papa et maman et qui permettait d’avoir le même horaire que ses potes le weekend et suffisamment d’argent pour partir deux semaines par année au bord de la plage.
Tu veux savoir comment je sais que y’en a plein qui sont pas si à l’aise que ça dans leurs jolis bureaux ? Ah non, j’me permettrais pas d’inventer, même si c’est la mode de parler de ça en ce moment, moi j’aime bien obtenir mes infos à la source. La source j’y suis tombée un peu par hasard, il y a tout juste une année quand je venais de débarquer à Londres après 4 mois de voyages aux States et en Islande. J’étais fauchée comme jamais, 500 francs suisses de dette sur ma jolie carte de crédit aux motifs d'Edelweiss (oui, oui on me dit c’est rien du touuuut Nat bah pour moi qui n’aime pas les dettes c’était beaucoup !), et j’étais décidée à ne pas retourner en Suisse. Il fallait à tout prix que je m’en sorte, alors paf j’ai dit oui au premier job que j’ai déniché en priant les dieux de m’aider à trouver la force pour ne pas craquer : welcome to the life of Nat, the Sandwich (Wo)man!

Le concept du job était simple : vendre un maximum de sandwichs aux employés de bureaux affamés. Comme c’est pas tous les jours qu’ils en voulaient de nos sandwichs, il fallait faire plusieurs bureaux en une matinée, et comme il fallait garder les coûts bas (et aussi sauver la planète ahem) transporter toute la marchandise à vélo. Mon jour de formation j’ai suivi cette fille sur une petite bicyclette alors qu’elle filait à toute vitesse, une immense cargaison derrière elle et que je me disais : « c’est pas possible Nat, c’est complètement irréel. T’as pas les couilles, ni les ovaires pour un job pareil!».
Mais le pire ce n’était pas le poids des dizaines de caisses rouges qu’il fallait débarquer à chaque emplacement, ou la circulation effrayante du centre de Londres.
Le pire c’était les bureaux. Parce que oui j’ai beau faire la fille super free-spirit et tout, j’ai quand même grandi en pensant que les études et le travail qui fait bien dans les soirées cocktails c’était le plus important. Entrer dans des bureaux fancy où tout le monde est hyper bien sapé, où ils parlent de chiffres, de rapports, de trucs qui font très smart c’est déjà assez effrayant comme ça. Mais entrer dans ce genre d’endroit en uniforme rouge fluo avec écrit en grosses lettres : « SANDWICH MAN »  et crier à l’assemblée : «Ooioioioio hiii everybodyyy sandwich hereee ! » tout en installant son stand entre deux ordis en mode marchand de tapis, crois-moi c’est l’expérience la plus étrange de ma vie.
Surtout quand la fille à qui tu vas vendre ton sandwich au poulet a le même âge que toi et parle en riant avec le beau gosse en costard du dernier sondage de marketing.
Surtout quand t’as l’impression de faire partie d’un monde complètement différent.
Surtout quand la première pensée qui te vient à l’esprit c’est « je fais quoi moi si je me retrouve à un rendez-vous tinder avec un de ces mecs qui me dévisage quand je lui tends son jambon-beurre ? » Oui, t’inquiètes j’ai toujours mes priorités in check :p (hum Nat, Nat toooo much sharing, too much :D)

 

Nat en Sandwich Woman!

Les premiers jours mon égo en a pris un sacré coup. Dans ma tête je me répétais «Nat c’est bon, c’est temporaire, t’es une meuf de folie, t’as voyagé, t'es curieuse, t'as soif de vie, t’as plein de rêves, c’est pas ce job qui va te définir ». ha, plus facile à dire qu’à ressentir.
Et puis assez rapidement j’ai pris confiance. J’ai commencé à accepter cette nouvelle réalité (side-note les gens : l’être humain a une capacité d’adaptation exceptionnelle ça ne cesse de m’étonner!) mes ventes ont augmentées, je faisais du small talk avec les clients, je m'essayais aux blagues, parfois même à l'humour anglais et j’avais mes habitués.
J’étais fière d’être leur distraction quotidienne, et de parcourir seule tous ces kilomètres à vélo. J’étais fière d’avoir dépassé ces barrières stupides que me mettaient mon égo et ces années de conditionnement quant à ce qui était convenable de faire de sa vie et cette idée que ton job et ton statut détermine ta valeur.
J’étais heureuse de pouvoir parcourir Londres à vélo sous le soleil (ouii à Londres y’a bien plus de soleil que de pluie !) et je me sentais plus vivante que jamais. Bien vite j’ai développé des relations amicales avec ces employés, et malgré moi j’étais devenue leur confidente préférée : je savais tout de Robert des ressources humaines qui était un vrai salaud, ou de Marie à la compta qui volait tous les fruits des fruits baskets, ou de Jack que tout le monde évitait parce qu'il était un peu strange et ne venait jamais aux soirées karaokés les jeudis soirs.
Je savais tout de l’ambiance de compétition qui régnait dans la plupart des services, ambiance encouragée par la direction pour produire un travail plus efficace.
Je savais tout du sentiment de suffocation et de la joie d’être vendredi, de la joie d’oublier ce travail, ce bureau, ces collègues que la plupart semblaient détester.
Et plus que jamais j’étais convaincue que le bonheur était bien plus palpable sur un vélo au soleil que dans ces sombres bureaux de la capitale anglaise.

Et pourtant un court instant j’avais oublié tout ça. Des mois que ce job était derrière moi, j’étais désormais réceptionniste de nuit dans une chouette auberge et j’avais enfin beaucoup plus de temps à me consacrer à mes autres projets. Mais parfois les doutes vous rattrapent, et cet après-midi là ils m’avaient convaincu de retourner sur une voie raisonnable, et de me joindre à la valse du monday-friday londonien.

Madrid under the winter sun :)

Quelques jours plus tard j’obtiens un entretien d’embauche pour être « French Travel Executive » dans une boîte qui gère des voyages organisés. Ils promettent une ambiance d'enfer, et plein de tickets gratuits pour les avant-premières. Les deux premiers entretiens se passent super bien. Je suis à l’aise, je sais me vendre sans en faire trop et ils me confient que je m’entendrais vraiment bien avec toute l’équipe.

« Et alors Nat t’as jamais vraiment travaillé dans un bureau, tu crois que ça va aller pour toi ? Etre enfermée toute la journée ? hahaha! »

« Ha..haa. »

Hum. J’avais essayé de ne pas y penser. J’étais certaine qu’il était temps de jouer la grande personne, l’adulte tiens pour une fois et tant pis si ça voulait dire passer mes journées entre quatre murs. Derrière lui à travers la porte de verre j’apercevais les centaines de bureaux où travaillaient silencieusement les employés...

« .. du lundi au vendredi, 9h à 17-18h, et pause de midi de 30 minutes mais c’est mieux si tu ne sors pas y’a beaucoup de travail. Tiens, t’as même pas besoin quitter les bureaux, on a un Sandwich Man qui vient ici ! J’ai vu sur ton CV que tu avais fais ça quelques mois, ça va être sympa d’être de l’autre côté bien au chaud avec nous ! »

Gulp. J’ai eu un flash de moi regardant le nouveau sandwich man entrer en coup de vent pour quelques minutes, disposer son stand avec un grand sourire alors que les employés tout cassés s’agglutinent autour de lui pour aspirer un peu de soleil, un peu de vie. Je me voyais le regarder avec envie. Je me souvenais de l’énergie et du bonheur incroyable que me procuraient ces matinées à vélo, mon corps chauffé par l’effort, le cerveau stimulé par la dopamine de l’exercice alors que je chantais à tue-tête la compil entière des Beatles en saluant les passants en souriant.

«Bien, bien Nat , pour moi t’es une candidate géniale, tu présentes bien, j’aime beaucoup ta personnalité. Suis-moi je vais te présenter au CEO c’est lui qui a le dernier mot. »

Traversée silencieuse des bureaux. Pas feutrés. Marches vers un autre bureau qui domine l’étage.

« Nat, voici Mr. Y. »

« Pleased to meet you Nat ! »

Devant moi était affalé dans un immense fauteuil un homme aux cheveux grisonnant qui me dévisageait avec un drôle de sourire. Ses mains reposaient sur son énorme ventre qu’il avait enveloppé d’une affreuse chemise rose. Il avait un peu la tête de ces méchants dans les films, ceux qui se mouillent pas trop mais qui ont assez de pouvoir pour envoyer des tueurs aux trousses de victimes innocentes alors qu’il tourne sur son fauteuil la tête en arrière avec un rire démoniaque. Les deux autres employés qui me parlaient avec tant d’aisance deux minutes plus tôt s’étaient écrasés sous sa présence dominante. Ca sentait la bonne vieille hiérarchie, et la peur du chef que l’on méprise.

Bon Nat arrête, je sais que t’aimes suivre tes intuitions mais tu le connais pas le type laisse lui une chance. Une dizaine de minute passe et je tente de faire bonne figure, alors qu’au fond de moi mon petit cœur se rétracte. Ca y est dorénavant ça sera ça ma vie. Faire des courbettes devant ventre rose et m’asseoir sagement à un bureau pour faire un truc qui ne me passionne pas trop en me consolant avec les billets des avant-premières de théâtre ou les musicals qu’ils nous refilent parfois pour nous faire rêver. Mais je ne veux pas seulement les voir moi ces pièces de théâtre je veux que ma vie entière soit paillettes et musique ! Je ne veux pas passer les weekends à rêver sur ces belles histoires qui font oublier un instant la monotonie du quotidien, je veux continuer à faire de ma vie une comédie bien plus extraordinaire que toutes celles que j’aurais pu regarder ! Je veux pouvoir m’étendre sur mon lit de mort en me disant « daaaamn Nat sacré aventure ! » Je veux que même si je perds la mémoire un jour mes petits-enfants viennent me rappeler les folles histoires qui se disent sur moi et que le petit Jo, le tout dernier de ma fille Laetitia me dise : « merci grand-ma, grâce à toi j’ai eu le courage de jouer le rôle principal dans la pièce de mon école, même s’ils se moquaient tous de moi ! ».

                                                                         ***

« So Nat that was great, we really like your profile ! One last question : Why do you want to work here ? »

« Why ? »

Je pourrais mentir. Je pourrais lui servir une histoire de passion pour cette boîte, d’intérêt poussé par le poste en question, de désir de vouloir m’installer pour de bon à Londres et évoluer au sein d’une entreprise aussi incroyable que la vôtre thank you sir. Je pourrais me servir de ces années de développement personnel, de toutes ces formules et autres concepts qui une fois appliqués permettent d’obtenir des résultats magiques. Sept secondes pour me décider. C’est long en fait sept secondes quand trois Anglais en costard-cravate attendent ta réponse. On m’avait dit une fois (tiens Léo si tu lis cet article, c’était toi je crois !) qu’avant te prendre une décision ton subconscient le sais déjà cinq seconde avant.

« I’m... I’m sorry. I can’t do it. Je suis vraiment désolée mais je ne pense pas que ce soit pour moi. Merci pour l’opportunité mais heu I just don’t feel it .»

La magie c’est fascinant mais il faut s’en servir à bon escient.

Ventre rose me jette un regard un peu surpris, alors que l’autre semble se décomposer sur place. Déjà qu’être chargé de recrutement c’est pas facile alors quand les candidats te lâchent devant ton boss… Je les remercie avec un grand sourire en fourrant la carte de visite du CEO dans ma poche, je me laisse raccompagner par le pauvre employé un peu dépité (sorry T, you seem like a great guy I swear but for your own sake get out of here just sayinnn!) et en ouvrant la porte qui donne sur l'extérieur je respire enfin alors qu'un poids énorme vient de me quitter. C’est trois heures de l’aprèm, il fait grand beau, et en me dirigeant en sifflotant vers Kyoto Garden à Holland Park je réalise à quel point je suis chanceuse. J’ai un job qui me loge en plein centre de Londres, je bosse en pyjama en écoutant du jazz et des podcasts, j’en apprends tout plein sur l’être humain (ah oui ça c'est une ongoing expérience de sociologie ici j'te raconterai un jour!), je reviens d’une semaine incroyable en Grèce, de dix jours au Danemark avec ma famille, j'ai récemment pris la liberté de suivre un inconnu plein de charme un peu partout en Europe juste parce merde Nat la romantique n'est jamais loin (tutututu plus là-dessus au prochain épisode! ;) ),  j’ai lu un paquet de bouquins cette année et je découvre lentement des aptitudes en moi que je n’aurais jamais soupçonnées.

 

Cool stuff, Madrid!


 L’autre jour j’écoutais une interview avec Smiley Posowlsky, un entrepreneur américain qui aident les jeunes à trouver un job qu’ils aiment. Il parlait du risque d’avoir une vie et un job parfaits « sur papier ».

« If it looks good on paper and other people are impressed then maybe be it’s the right thing.
And for me, one of the main lessons I learned was that you can have job that on paper is perfect. The right company, the right title, the right salary, the right kind of influence and prestige. Your parents are super impressed and it looks good on Linkedin. Deep down if you know it’s not the right fit for you that’s on you. No one else is going to say something. » Smiley Posowlsky

Parce que ouais, le seul moment où les gens ne vont pas te donner leur avis (parce que le reste du temps ça se gène pas hein !) c’est quand ta vie est parfaite sur papier: quand y’a juste la bonne dose de fun et de stabilité, que t’as fait ton année sabbatique de folie mais que t’es dans un job qui impressionne le people aux networking events. Et c’est ça le risque : tu es la seule personne à savoir si ta vie est vraiment celle que tu veux.  

Alors tu m’diras "ouiii mais Nat c’est pas si facile comment je fais pour savoir moii ??"

Récemment j’ai lu le livre de Mark Manson, «The Subtle Art of Not Giving A Fuck» . En gros sa théorie c’est que dans la vie on a un certain nombre de « fuck » à donner. On a une réserve limitée d’attention à donner et si tu t’inquiètes de satisfaire le monde entier tu vas être misérable. Quand t'es jeune tout semble si important, ce qu'on pense de toi, les rejets, etc. Et puis en grandissant tu te rends compte que seulement certaines choses comptent vraiment, que peut-être tu vas jamais devenir superstar, visiter tous les pays du monde, ou avoir la vie parfaite alors tu es enfin libre de "give a fuck to what matters to you": ta famille, la peinture, tes amis, les balades à la montagne, le ukulele bref quelques soient les trucs qui t'importent le plus. You just can't give a fuck about everything. You have to choose.

Pour choisir c'est simple: garder en tête que quelques soient les choix que tu fasses, de toute façon y’aura des trucs que t’aiment pas qui viennent avec, des sacrifices à faire, des problèmes. Le tout est de savoir quel lot de problèmes tu préfères. Oh mais Naaat quelle vision daaark ! Attends tu verras ça aide à y voir plus clair. Par exemple lui a préféré l’incertitude d’une vie sans patron, des heures passées devant l’ordi pour son blog ou dehors à trouver des clients pour son coaching sans savoir s’il aurait suffisamment à chaque fin de mois plutôt que d’être stable dans un job en entreprise. Le lot de problème qui venait avec respecter les règles de son ancienne boîte (où il a tenu 6 semaines !) lui semblait bien plus insurmontable que la perspective de finir homeless tout en pratiquant son écriture. On est tous différents bien sûr et ce type de problèmes semble bien pire à quelqu’un d’autre qui apprécie les horaires fixes, et suivre des instructions claires tout en ayant la possibilité de sociabiliser le weekend avec les autres employés. Y'a personne d'autres que toi qui peut savoir quels sacrifices tu supportes le mieux.
C’est souvent plus facile de se dire « putain en fait cette option me semble bien plus insupportable que celle-là » plutôt que de comparer les points positifs.

Bon, bon je sais c’est quand même pas si simple. On a tendance à être tellement influencé par notre éducation, par notre environnement, par ce que pensent les autres que ce n'est pas toujours facile de savoir quand un choix est vraiment le nôtre.
Tu sais c’est un peu comme l’ami qui va se marier à qui tu demandes : « Et comment tu as su que c’était la bonneeee ? »
Et qu’il te répond : « Oh tu verras, quand tu sais, tu sais. ». Bah non c'est pour ça que j'te demande dude, on sait pas toujours. C’est bien ça le problème. Par contre je crois que si on apprend à s’écouter, c’est comme la musique, on peut sentir quand ça sonne faux. T’as beau rejouer le morceau, peut-être y’a pas de fausses notes et t’as beau y mettre tout ton cœur, faire gaffe à éviter les erreurs , si ça sonne toujours mécanique , un peu forcé ou un peu absent, c’est que y’a souci. Ce que tu veux c’est un morceau plein de rage de vie, un truc où tu y mets tout ton être, un truc où c’est tant pis si tu te plantes des fois, t’as tellement de plaisir à le jouer que les fausses notes on n’y fait même plus gaffe. Et j’en ai rien à foutre si c’est une balade tranquille de Debussy ou un impromptu enragé de Chopin. Tant que c’est toi, jusqu’à la dernière note.

Quand j’étais au Danemark en septembre j’ai demandé à ma cousine comment elle a fait pour savoir que c’était le bon, son homme. Parce qu’elle a tout ma cousine : elle belle, brillante, drôle, sympa, une vie sociale épanouie, et bref elle aurait pu choisir n’importe quel prétendant.  
« C’était facile. Avec lui je peux être moi-même. Avec lui j’ai pas besoin de prétendre être quelqu’un d’autre, je suis libre d’explorer toutes mes facettes différentes et quoique je décide il sera toujours là pour moi. And it just feels right. »

Sur une place à Copenhague :)


Le seul hic dans cette histoire c’est que c’est possible que ce que tu choisisses ne corresponde pas aux attentes de tes proches, de la société (aaah j’aime pas cette expression cliché but ya knoww) ni l'image que tu crois devoir donner de toi-même.  C’est comme quand tu choisis un partenaire qui ne plait ni à tes proches, ni à tes parents mais qui fait ressortir en toi ces qualités incroyables et surtout un bonheur de malade. Dans ces cas là t’as besoin d’une force intérieure très forte sinon c’est facile de lâcher.

Dans un autre podcast que j’écoutais (jte l'dis ces heures de ménage dans la cuisine de l'auberge ne sont jamais perdues !), un type parlait de inner authority versus outer authority.
La outer, celle qui vient de l’extérieur c’est celle qui vient des proches, des amis Facebook, du monde entier. C’est celle qui est si facile à savourer quand tu la satisfais parce qu’on t’as appris depuis toujours qu’il fallait la respecter pour être aimé et intégré. C’est ce sentiment agréable que tu ressens lorsque tu peux mettre sur ton CV ton expérience dans la dernière boîte en vogue même si tu déprimais tous les jours en t’y rendant. C’est le même sentiment quand tu présentes ce copain si parfait à tes parents en oubliant toutes ces fois où tu n’as pas osé te révéler à lui.

Or pour être sûr(e) de faire les bons choix c’est primordial que tu apprennes à développer l'inverse, ton inner authority, ou autorité intérieure. C’est elle qui va t’aider à y voir plus clair. C’est elle qui va te dire quand un morceau est juste joli à entendre ou captivant à écouter.

D’une manière ou d’une autre, ce que tu veux vraiment ne correspondra jamais entièrement aux attentes d’une des outer authority. Si voyager c’est pas ton trip (haha jeu de moot! oh yee), y’aura ceux qui te jugeront trop prévisible. Quand ta vie c’est que les voyages, y’aura ceux qui te jugeront bien trop instable. C’est inévitable. Les gens vont certainement te dire un paquet de truc quand ce que tu fais ne correspond pas à leur vision de la vie et de la réalité. Donc t’as tout intérêt à faire des choix qui soient vraiment toi.
Et même si au début c’est dur, l’énergie que ça te donne de faire ce que t’aimes et ce qui te rend heureux t’aide à contrer les vibes négatives de toutes ces outer authority.
Alors soigne bien cette autorité intérieure. Ce sera sûrement inconfortable, et ça pour longtemps. Mais tu verras que le sentiment quand tu la respectes est tellement fort que t’en oublies vite celui un peu trop superficiel de l’outer authority. Quand tu respectes ton inner authority, il n’y a plus de doutes possibles.

So, so Nat, amazing tout ça mais comment je la cultive mon inner authority ? En allant vendre des sandwichs dans des bureaux fancyyy... naaaan jplaisante ! (quoique si tu le fais respect on s’appelle on s’fait une bouffe !). Non plus sérieusement c'est un truc qui se cultive tous les jours, en collectionnant ces moments où tu te sens bien, où te sens épanouis, où tu te sens toi. C'est aussi en s’entourant d’autres tarés qui aiment les mêmes trucs que toi. En lisant des livres, des blogs, de personnes que tu admires et respectes. En regardant des films, des vidéos, en allant à la rencontre de ces individus qui font ce qui veulent vraiment.
Parfois ces gens n’ont pas besoin de te comprendre complètement : mais s'ils font partie de ceux qui cultivent leur autorité intérieure, il y a de fortes chances pour qu’ils respectent tes choix. Ces personnes sont faciles à reconnaitre, ce sont celles avec qui tu peux être qui tu veux, celles dont les conversations te redonnent toujours un shot de vie et la sensation que rien dans la vie n'est trop étrange ou trop bizarre pour choisir de s'y investir à fond.

Je suis une grande fan de Stephen King. Bon ok, je traine pas avec lui, et y’a plein de ses bouquins que j’ai pas lu (un peu trop creepy à mon goût parfois !) mais c’est un type qui a une inner authority de malade. Quand ses profs lui disaient que c’était trop glauque ce qu’il écrivait, il a continué. Quand il a reçu des centaines de lettre de rejet des maisons d’édition il a continué. Quand lui et sa femme ont eu des gosses, qu’il bossait la journée dans une blanchisserie et sa femme chez Dunkin Donuts alors qu’il écrivait le soir sur le perron de la petite maison décrépie bien loin du American Dream il a continué. Il n’était pas certain que ça marcherait pour lui. Mais il était certain que ces choix étaient les siens. La sensation que lui procuraient son écriture dépassait toutes les remarques désobligeante des voisins ou le travail épuisant à la blanchisserie. Quand t’as goûté à la flamme de l’autorité intérieure tu ne reviens plus jamais en arrière.
 

« You can fail at what you don't want so you might as well fail at what you want!»   Jim Carrey
 

Pikachu et son potes, tous deux une vraie inner authority! ;)


Des fois c’est pas facile. Je dois régulièrement m’arrêter et questionner l’origine de mes choix.
Je suis tombée sur une annonce l’autre jour qui cherchait une journaliste francophone pour écrire ces articles type buzzfeed sur le voyage : « 10 endroits pour faire la teuuuff » ou« 20 façon de le faire tomber sous ton charme au bar de la plagee » : j’ai hésité à répondre, parce que oui, ça ferait une jolie expérience. Oui, j’apprendrais des trucs. Mais la perspective de devoir me forcer à écrire des choses qui ne sont pas moi avec des horaires bien trop fixes me semblait bien pire que celle de ma situation instable actuelle. (ha, tu savais que ce blog était censé être un blog de voyage ça à la base ? j’te jure j’y croyais, mais je me suis écoutée, et au final c’est plus vraiment ça !).

Dans son livre Marc Manson raconte comment il rêvait d'être une rock star quand il était jeune. Il se voyait jouer devant des milliers de personnes et passait des heures à fantasmer sur cette perspective. Mais il n'a jamais fait grand chose pour aller dans cette direction. Parce qu'il s'est rendu compte qu'il était amoureux du résultat alors que le processus ne l'intéressait pas du tout. Les heures passées à pratiquer la guitare, écrire des chansons, les tournées, tout ça c'était beaucoup de fuck à donner pour quelque chose qui n'était pas vraiment lui. Par contre les heures passées seul à écrire, les crashs d'ordis alors que tout son revenu revient du net, être constamment en voyage et seul dans sa vie de nomade digital, c'est un processus tout aussi dur: mais il kiffait ce processus. Il kiffait les emmerdes qui venaient avec ce choix. Peut importe où il atterrirait. Ce processus c'était des choix qui le reflétaient vraiment.

Des fois je me dis "tiens, j'aime trop l'univers des startup ce serait cool d'y bosser!". Et en y réfléchissant bien c'est pas vraiment le travail autour d'une startup qui me plait, c'est pas vraiment apprendre tout le vocabulaire de ce milieu ou les heures passées autour d'un projet qui inclut technologie et business model, mais c'est l'énergie des gens de ce milieu, c'est le fait de bosser sur une idée qui peut changer le monde, c'est penser outside the box, c'est le challenge d'un projet nouveau. Et y'a plein d'autres façons possibles de retrouver ces sensations.

Des fois je me dis "tiens, ce sera ouf d'être blogueuse de voyage!". Mais c'est beaucoup d'heures à passer devant l'ordinateur, c'est aller dans des hôtels et autres destinations pré-déterminées, écrire beaucoup de conseils de voyage, c'est prendre souvent l'avion, tout des trucs qui ne sont pas vraiment moi.

Demandes-toi toujours: qu'est-ce qui me plait vraiment dans ce choix, dans cette perspective, dans ce mode de vie? Et apprends à différencier l'image extérieure de celle du processus en lui-même.
Make sure to fall in love with the process.  Assures toi d'aimer aussi tous les problèmes qui l'accompagnent. Et qu'il te permet d'être toi.

(Mmm pour reprendre la métaphore de relation amoureuse, ça me fait penser à un Ted Talk que j'ai vu où le mec disait: "y'a personne de parfait, donc choisis la personne avec les défauts que tu peux supporter!" J'ajouterais aussi, choisis pas celle que t'es fier de présenter à tes potes parce qu'elle a un PHD de chimie et qu'elle est super canon. Choisis celle-là seulement si elle te rend tellement heureux et qu'à ses côtés tu peux être qui tu veux.)

Fun in Madrid :D

Y'a plein de choix que je questionne encore, mais je commence enfin à comprendre ceux qui sont vraiment moi. Par exemple, j’ai longtemps combattu mon côté introverti. Ceux qui me connaissent du début de la vingtaine ont peut-être connu la Nati folle et fêtarde. En réalité c’était beaucoup d’alcool, un désir constant de vouloir m’échapper (du groupe, de moi-même) juste parce que j'avais du mal à savoir comment être moi. Maintenant j’assume pleinement rester seule un vendredi soir pour lire un bouquin. Juste parce que je le sens bien.
Je croyais aussi qu'il fallait absolument que je voyage constamment pour être heureuse. En fait ce que j'aime c'est le challenge de la nouveauté, rencontrer des être humains différents de moi, les frissons de se retrouver dans un univers dont je ne saisis pas tous les codes.
Souvent je me bas avec les préjugés, de ceux qui disent qu’à mon âge il faudrait avoir fait ci, être comme ça. Quand je vais à des évènements c'est encore une épreuve pour moi de regarder un inconnu dans les yeux en lui disant que mon avenir est incertain. Quand j'essaye de sociabiliser avec les ingénieurs de mon groupe de Public Speaking, c'est toujours aussi dur de sentir qu'ils ne comprennent pas mon mode vie. Quand je croise des anciens de l'école, j'ai parfois encore l'impression de devoir me justifier. Quand j'effleure l'idée d'un Master (des fois j'aime bien me faire des frayeurs) à maman, c'est pas facile de voir que ça la rassurerait.
Mais tout ça fait partie du lot de struggle qui vient avec le chemin que j'ai choisi.
Alors dans ces moments, je fais appel à ma flamme intérieure et je sais au fond de moi que j’ai fait les bons choix.
Faire d’abord des trucs qui te font plaisir c’est la seule façon d’offrir ce que t’as de meilleur au monde.

« While it’s easy enough to say, “Go do what it is that you want in life,” the caveat is that it’s crucial to evaluate the purposes behind your choices in order to best determine what YOU ACTUALLY WANT, versus what you’re obligating yourself to want. » Ash Ambirdge, The Middle Finger Project (si tu parles anglais va voir son blog il est ouf !)
 

Arbre à souhaits, Copenhague

Cet ami de Dresden l’ai revu par hasard il y a deux semaines au bord du lac de Genève avec sa copine. C’est marrant, l’univers t’envoie souvent des signes dans les moments de doute. Selon un livre que m’a offert une amie, il y aurait toujours un message derrière les rencontres accidentelles, à condition que l’on y prête attention. Il travaille désormais pour un cabinet d’architecture super chouette où tout le monde s’entend bien. Ils organisent des sorties entre collègues, et il bosse sur des trucs qu'il aime. Ca fait longtemps qu'il est avec sa copine et ils ont l'air plus heureux que jamais. Elle fait un master en cinéma tiens, sûrement y'en a qui diront que c'est pas employable mais elle kiffe et c'est le plus important.
Mon inner authority avait un peu faibli avec le passage à ma 27ème année et le fait d’être de retour pour quelques jours dans ma ville natale où j’avais souvent cru à une seule façon de faire sa vie.
Pourtant en le voyant me suis souvenue de ce qu’il avait dit au bord du fleuve allemand quatre ans auparavant. Et à ce moment j’ai compris ce qu’il a voulu dire par l’importance de faire des choix qui soient vraiment les siens. J’ai ressenti la flamme de celui qui a fait de sa vie une symphonie unique, une de celle dont la sincérité apaise tous les doutes.
J’ai pensé à nos vies si différentes, et à quel point nos choix nous reflètent parfaitement.
Vla, inner authority, on a géré !! (je sais que vous lisez parfois ce blog, merci pour l'inspiration les amis!!)
Je leur ai dit au revoir avec sérénité et on est chacun retourné dans ces vies qui nous correspondent le mieux.

Le lendemain j’ai pris l’avion pour Londres en souriant. Le plus bizarre c’est que quand t’es à l’aise avec ta vie, que t'as abonné la résistance de tout ce qui n'est pas toi, c'est comme si t'avais abattu un mur invisible qui libère une sorte d'énergie mystérieuse.
A peine l’avion décolle que le mec à côté de moi, une sorte de Woody Allen Canadien m'offre un job après 10 minutes de conversation tellement il appréciait ma bonne humeur (bon c’était pour la section sport d'hivers chez Harrods, bien loin de mes intérêts mais c’était sympa de sa part!). Puis une fille que je ne connais pas (merci Lyschan!) a publié un de mes articles sur groupe un Facebook et c'est toujours incroyable de voir que ces écrits touchent du people que je ne connais pas (merci à ceux qui ont découvert ce blog comme ca !).
Puis j’ai reçu des réponses positives pour plusieurs interviews, un autre projet dont je vous parle tout bientôt!
Enfin, un ami m’appelle pour que je fasse la guide francophone quand j'ai du temps libre et si je veux économiser un peu de sous pour mes futurs voyages, et comme c’est le genre d’expériences que j’affectionne tout particulièrement parce que je peux explorer une autre facette de moi, j'accepte avec grand plaisir.

Crois-moi, une fois que t’es sûr(e) de tes choix, le monde entier s’offre à toi!

Et si ton parcours n'est pas toujours facile à assumer, quand t'as enfin la sensation de ne vouloir être nulle part ailleurs, tu vas kiffer chaque instant de ce chemin étrange sur lequel t'as fait le choix de d'embarquer.
Ca peut être chelou, parfois déroutant, mais on s'en fout si c'est d'abord ce que tu veux.
C'est un putain de beau musical avec des personnages touchants, une pétée d'instruments différents, des décors comme t'as jamais vu, des danses que tu peux même pas répertorier, c'est un fouillis d'émotions indéfinissables, et une fin qui n'est pas encore écrite.
C'est toi, du début à la fin.
Et au final, c’est tout ce qui compte vraiment.